Mobilité et urbanisation

Alain Beuret, architecte EPFL et urbaniste, EspaceSuisse
Lundi, 04.12.2023
La mobilité et l’urbanisation s’influencent mutuellement. Trouver un équilibre entre les deux s’avère une tâche complexe et de longue haleine.
Les infrastructures de transport utilisent beaucoup de place dans les villes et créent des barrières physiques, comme ici à Vernier GE. (Photo: Alain Beuret, EspaceSuisse )

Pendant longtemps, l’augmentation de la population impliquait la réalisation de nouvelles zones à bâtir périphériques qu’il fallait ensuite desservir en étendant le réseau routier toujours plus loin. Cet étalement continu de l’urbanisation et des infrastructures de transport a conduit à une explosion du trafic individuel motorisé et à la congestion que l’on connaît.

Pour arrêter cela, nous avons plébiscité en votation il y a dix ans la révision de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). Les nouveaux logements doivent désormais se développer à l’intérieur du tissu bâti existant. Cette densification du bâti suscite cependant des réticences au sein de la population qui redoute une hausse du trafic et des nuisances qui en découlent, notamment le bruit et la pollution de l’air.

Quelle mobilité dans les quartiers denses?

Heureusement, le trafic en ville n’est pas condamné à croître dans la même proportion que la population, à condition de ne pas densifier indifféremment partout mais de privilégier les secteurs déjà bien desservis par les transports publics, de manière à proposer de vraies alternatives à la voiture. Et d’offrir des interfaces de transports attractives à ceux qui doivent se rendre en ville depuis des localités mal desservies.

La ville des courtes distances

Pour développer avec qualité un tissu bâti, il faut miser sur plusieurs moyens de transports: une bonne desserte en transports publics, mais aussi un réseau de mobilité douce (marche et vélo) agréable et performant pour les (petits) déplacements quotidiens. Dans les quartiers denses, les services de proximité sont nombreux et il est naturel de se rendre au travail en bus et d’aller faire ses courses à pied. Les déplacements quotidiens sont ainsi réduits. C’est la ville idéale, celle des courtes distances.

L’espace public joue à ce titre un rôle central: s’il est encombré de voitures bruyantes, en mouvement et en stationnement, ces déplacements quotidiens, même courts, seront une contrainte. Si au contraire, l’espace public est partagé de manière intelligente, que le trafic est modéré et qu’il offre des respirations propices à la rencontre, il sera prisé des habitants. Dans les territoires denses, les coûts dévolus aux infrastructures de transport par personne sont plus bas que dans les territoires dispersés.

En ce qui concerne le trafic individuel motorisé, la politique des transports doit être axée sur l'offre. Ce n’est pas une demande en hausse qui doit déterminer la gestion des infrastructures de transports, mais une offre économique adaptée au milieu urbain et qui prend en compte les limites de capacités.

La mobilité à l’ère post-corona

Le modèle de l’offre en transports publics calibrée sur les trajets domicile-travail (Pendlermodell) est aujourd’hui remis en question. La part des déplacements liées aux loisirs est en effet plus importante (42 minutes en moyenne par jour contre 20 pour le travail et la formation cumulés, selon le dernier microrecensement mobilité et transports). L’avènement du télétravail pendant la pandémie nous offre plus de temps libre pour nous évader. Les vagues de chaleur, toujours plus fréquentes en été, nous poussent en outre à quitter la ville plus souvent pour fuir les îlots de chaleur.

Là aussi, la ville des courtes distances a un rôle important à jouer. Si nous pouvons trouver des parcs ou des espaces de détente naturels à proximité de notre lieu de vie, nous aurons moins besoin de nous échapper plus loin.

Coordonner mobilité et urbanisation

Les plans directeurs cantonaux et les projets d’agglomération sont des outils importants pour concilier le développement de la mobilité et celui de l’urbanisation. Pour assurer la coordination de ces deux domaines au niveau supracommunal, les communes ont recours aux plans directeurs régionaux.

La planification de l’affectation et les règlements de stationnement sont de précieux instruments dont disposent les communes pour coordonner le développement de la mobilité et celui de l’urbanisation. Dans certains quartiers, elles peuvent recourir à une analyse du trafic ou à un concept de mobilité afin de définir des lignes directrices dans le domaine de la mobilité et de l’urbanisation.

Elles peuvent aussi favoriser le développement de quartiers pauvres en voitures, sachant que le stationnement est un levier d’action important pour réduire le trafic individuel motorisé et augmenter les espaces verts. Encore trop souvent la norme VSS qui préconise deux places de stationnement par appartement de plus de 100 m2 est appliquée systématiquement, sans tenir compte du contexte. Il ne s’agit pas de bannir la voiture, mais de diminuer son impact sur un espace limité avec l’équation suivante: davantage de voitures partagées impliquent moins de voitures stationnées et, finalement, une gestion de l’espace optimisée au profit d’autres utilisations.

Envie de découvrir des exemples concrets?

L'habitat pauvre en voiture à Deitingen SO fera l’objet d’un article dans Inforum 1/2024, qui paraîtra en mars 2024.

14 juin 2024: date du congrès EspaceSuisse

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